jeudi 10 novembre 2011

          Le fait divers passionne, il fascine. Que ce soit à la télévision, dans les magazines ou encore dans les journaux, il éveille cette petite perversion du lecteur comme un besoin de frémissement sur le monde extérieur. Mais parfois, il peut devenir source d'inspiration artistique. Là est le cas de l'histoire de Roberto Succo, un tueur mystérieux, terrifiant voire paradoxalement fascinant qui, partant d'un phénomène médiatique, est devenu un sujet d'art littéraire et cinématographique. Ce personnage, a intrigué la police, la presse, le corps médical et le milieu artistique aussi bien de son vivant qu'à titre posthume par son caractère presque surréaliste: "Je tue les gens qui m'énerve" (interrogatoire du 28 Février 1988). Jusqu'à la fin de sa vie Succo a su laisser planer le doute sur ses crimes et sur sa personne. Déclaré schizophrène paranoïde à l'âge de 19 ans, la police et les médecins auront du mal à cerner le personnage et c'est cette maladie qui fera de lui un être artistiquement et médiatiquement troublant. De ce fait, nous verrons le fait divers comme inspiration artistique en évoquant préalablement les faits en eux-mêmes, pour finalement nous questionner sur un homme enclin à une folie irrationnelle ou maladive. Pour cela, nous nous baserons sur la vision de Bernard-Marie Koltès dans sa pièce de théâtre (Robert Zucco) et son adaptation au cinéma par Cédric Kahn (Roberto Succo, portrait d'un assassin). Si tous deux tentent de rester le plus fidèle possible à l'histoire pour ne pas excuser les crimes de l'italien ou héroïser celui-ci, sa vie fait déjà de lui un personnage hors nomes et les auteurs ne font pas moins de Succo un personnage divin fascinant le commun des mortels: d’un meurtrier vulnérable à l’élévation d’un mythe impalpable, créant l'attachement du public. Ainsi, comment le lecteur/spectateur peut-il plus exprimer de la compassion, de l'amitié pour le tueur que pour ses victimes? De même, nous verrons comment ce héros devient nécessaire aux personnages et aux intrigues secondaires prenant ainsi toute la place dans les deux œuvres, en reléguant l'enquête policière au second plan. De plus, les deux auteurs jouent de cette double personnalité schizophrénique du criminel durant sa cavale, et s'intéressent également à la vie privée de Succo en se servant de l'image de la femme aimée: une intrigue parallèle ou la vision intime d’un tueur. Ainsi, nous pouvons nous demander en quoi un « classique » fait divers peut devenir, par le biais de la création artistique pérennisant un tueur, l’immortalisation d’une tragédie mythique.