samedi 12 novembre 2011

SOULIER Floriane

L3 – Lettres Modernes

Culture Médiatique








Roberto Succo:
Un fait divers médiatiquement mythifié



vendredi 11 novembre 2011

    • sujet: le fait divers du tueur en série Roberto Succo à travers l’adaptation cinématographique de Cédric Kahn et théâtrale de Bernard-Marie Koltès
    • Corpus:
            • Roberto Succo, portrait d’un assassin, Cédric Kahn
            • Roberto Zucco, Bernard-Marie Koltès
            • Roberto Succo, Pascale Froment (appui biographique)

    • Titre: Roberto Succo: Un fait divers médiatiquement mythifié
    • Problématique: En quoi un « classique » fait divers peut devenir, par le biais de la création artistique pérennisant un tueur, l’immortalisation d’une tragédie mythique?



      1. Un fait divers comme inspiration artistique

          1. « Ce film est basé sur des faits réels »
          2. Un assassin sans raison: folie irrationnelle ou maladive?

      1. Succo comme personnage divin fascinant le commun des mortels 

               1. D’un meurtrier vulnérable à l’élévation d’un mythe impalpable
               2. L’attachement du public pour un meurtrier

      1. Un héros nécessaire aux personnages et aux intrigues secondaires

          1. Une enquête policière reléguée au second plan
          2. La femme aimée: une intrigue parallèle ou la vision intime d’un tueur

jeudi 10 novembre 2011

          Le fait divers passionne, il fascine. Que ce soit à la télévision, dans les magazines ou encore dans les journaux, il éveille cette petite perversion du lecteur comme un besoin de frémissement sur le monde extérieur. Mais parfois, il peut devenir source d'inspiration artistique. Là est le cas de l'histoire de Roberto Succo, un tueur mystérieux, terrifiant voire paradoxalement fascinant qui, partant d'un phénomène médiatique, est devenu un sujet d'art littéraire et cinématographique. Ce personnage, a intrigué la police, la presse, le corps médical et le milieu artistique aussi bien de son vivant qu'à titre posthume par son caractère presque surréaliste: "Je tue les gens qui m'énerve" (interrogatoire du 28 Février 1988). Jusqu'à la fin de sa vie Succo a su laisser planer le doute sur ses crimes et sur sa personne. Déclaré schizophrène paranoïde à l'âge de 19 ans, la police et les médecins auront du mal à cerner le personnage et c'est cette maladie qui fera de lui un être artistiquement et médiatiquement troublant. De ce fait, nous verrons le fait divers comme inspiration artistique en évoquant préalablement les faits en eux-mêmes, pour finalement nous questionner sur un homme enclin à une folie irrationnelle ou maladive. Pour cela, nous nous baserons sur la vision de Bernard-Marie Koltès dans sa pièce de théâtre (Robert Zucco) et son adaptation au cinéma par Cédric Kahn (Roberto Succo, portrait d'un assassin). Si tous deux tentent de rester le plus fidèle possible à l'histoire pour ne pas excuser les crimes de l'italien ou héroïser celui-ci, sa vie fait déjà de lui un personnage hors nomes et les auteurs ne font pas moins de Succo un personnage divin fascinant le commun des mortels: d’un meurtrier vulnérable à l’élévation d’un mythe impalpable, créant l'attachement du public. Ainsi, comment le lecteur/spectateur peut-il plus exprimer de la compassion, de l'amitié pour le tueur que pour ses victimes? De même, nous verrons comment ce héros devient nécessaire aux personnages et aux intrigues secondaires prenant ainsi toute la place dans les deux œuvres, en reléguant l'enquête policière au second plan. De plus, les deux auteurs jouent de cette double personnalité schizophrénique du criminel durant sa cavale, et s'intéressent également à la vie privée de Succo en se servant de l'image de la femme aimée: une intrigue parallèle ou la vision intime d’un tueur. Ainsi, nous pouvons nous demander en quoi un « classique » fait divers peut devenir, par le biais de la création artistique pérennisant un tueur, l’immortalisation d’une tragédie mythique.
Bande annonce de Roberto Succo, Portrait d'un assassin de Cédric Kahn (16 Mai 2001)

mercredi 9 novembre 2011

I. Un fait divers comme inspiration artistique

          1. « Ce film est basé sur des faits réels »

Afin de saisir l’intérêt que peuvent avoir un réalisateur ou un écrivain dans l’adaptation cinématographique ou littéraire d’un fait divers, nous devons avant toute analyse nous pencher sur l’histoire hors du commun de celui que les journalistes surnommerons entre autre « le tueur à gueule d’ange » ou encore « le tueur aux yeux de glace »: car la vie de ce tueur est bien plus qu’une simple narration, elle est l’épopée d’un phénomène à la fois fascinant de beauté, terrifiant de cruauté et surtout rendu ultra-médiatique par la presse.



  
    Roberto Succo et sa famille



 Roberto Succo est né le 3 avril 1962 à Venise, en Italie. Très vite, sa famille remarque sa différence, dans ses relations sociales lycéennes (bien que ses résultats scolaires soient, quant à eux, parfois bien au dessus de la moyenne remarquée chez les autres étudiants). En effet, le jeune garçon dénote, dès l’enfance, un caractère renfermé, violant envers les jeunes garçons et acerbe envers la gente féminine. De plus, ce second trait de caractère est accentué par une éducation matriarcale sévère et stricte qui instaure un climat de conflit perpétuel entre Succo et sa mère, Marisa. En effet, on reprochait souvent à Marisa de trop aimer son fils et donc de le couver, de le surprotéger, le jeune homme ne supportant plus l’autorité excessive de sa mère. Ainsi, le 9 avril 1981, Roberto rentre chez lui, à 21h30, après le lycée, sa mère l'attendant de pied ferme et lui lançant un, "C'est à cette heure-ci que tu rentres ?". "Tu m'emmerdes. Tu m'empêches de vivre", lui rétorqua le jeune homme, phrase à laquelle s'en suit une dispute. Fou de rage, Roberto se précipita dans sa chambre pour prendre un couteau qu'il cachait sous un fauteuil et menaça de se tuer. Mais finalement sa rage aura raison de lui et surtout de sa mère que le jeune homme tua de six coups de couteau. Puis traîna son corps jusque dans la salle de bain, la coucha sur le ventre dans la baignoire et fit couler l’eau. Pour finir il nettoya le sang qui avait coulé dans l'appartement et ferma tous les volets. Le père, absent lors de ce crime, connaitra un sort similaire à celui de sa femme.
Notons que si ce meurtre n'est pas mis en scène dans le film de Kahn, Koltès, dans sa pièce y accorde une grande importance. En effet, le dramaturge reprend l'idée de la dispute entre la mère et son fils mais c'est pendant une étreinte que Zucco étrangle celle-ci. L'auteur insiste sur l'impossibilité de dialogue entre les deux personnages, d'une mère mentionnant les différentes parties du corps de son fils pour le décrire sans pour autant les rassembler dans une unité ("Je reconnais la forme de ton corps, ta taille, la couleur de tes cheveux, la couleur de tes yeux, la forme de tes mains [...]"). Déjà, Koltès, dans ce deuxième tableau qui met véritablement en scène le personnage de Zucco (première répliques du héros), nous expose cette ambiguïté comportementale du personnage.


Pour revenir à la véritable histoire de Roberto, celui-ci attendit (après avoir tué sa mère) patiemment devant la télévision que son père rentre du travail et ne sachant pas comment lui annoncer qu'il était devenu veuf, le jeune homme le poignarda également de six coups de couteau et l'acheva à la hachette. Une fois son père assassiné, Succo le traîna également dans la baignoire de la salle de bain et le coucha par dessus sa mère. Il épongea une deuxième fois les tâches de sang avec des torchons et des vêtements et les laissèrent dans le bidet de la salle de bain. Après avoir vomit (à cause de l'odeur émanant des deux corps), il prit de la lessive en poudre et en aspergea le dos de son père pour atténuer l'odeur. Puis il démonta la poignée extérieure du lieu du crime, laissa le couteau sur l'évier, en prit quatre autres (ainsi qu'un fusil à harpon, une hachette, un pic de spéléo, un lance pierre, un holster et le Beretta de son père), ainsi que de l'argent (4150 livres, ce qui équivaut à environ 2€15), de la nourriture (entre autre des assiettes en carton, un pot de miel, deux paquets de sucre, une boîte de petits pois, un sachet de parmesan...), huit paires de lunettes de soleil et autant d'autres objets insensés et parti vers 7h du matin chez son oncle et sa tante (Stefano et Loredana Lamon). Enfin, après avoir déjeuné avec sa famille, il roula pendant des heures sans véritable but. Ce n'est que le lundi 13 Avril de la même année que la police l'interpela à San Pietro. Il fut incarcéré, interrogé mais nia le meurtre de ses parents. Ainsi, à l’âge de 19 ans et un double parricide, Roberto Succo est interné à l'hôpital psychiatrique de Reggio nell’Emilia, au nord de Bologne, pour une durée de dix ans. De plus, étant déclaré inapte à être jugé en vue d’une schizophrénie paranoïde décelée par les médecins, le jeune meurtrier passera cinq années en semi-liberté hospitalière durant lesquelles il s'inscrivit à la faculté de droit de Parme avant de s’échapper de l'asile le jeudi 15 mai 1986 pour filer en direction de la France ("C'était le pays le plus proche. Je n'y connaissais personne mais ça me plaisait. La nouveauté... ça m'a montré que je réussissais bien à m'en tirer dans un endroit complètement différent. Je savais être l'unique protagoniste conscient de la situation, le personnage principal d'une histoire [...] j'ai pris le train pour Gênes, puis Vintimille et je suis passé à Menton" - interrogatoire de 1988). Il se réfugie en France, où va commencer sa folie ou plutôt sa maladie meurtrière et ambigüe. Cambriolages, viols, usurpation d’identité, de tous ces crimes nous ne détailleront que les meurtres, ceux-ci étant les délits principalement mentionnés et traités dans les adaptations littéraires et cinématographiques:
    • Le vendredi 3 avril 1987 vers 6 h, près de Chambéry, Succo tue André Castillo, 38 ans, policier, à cinquante mètres de chez lui et lui vole son arme de service.
    • Le 27 avril 1987, près d’Annecy, Succo enlève France Vu-Dinh, 30 ans, ex-professeur d’anglais. Le corps de la jeune femme n’a jamais été retrouvé. Succo inventera une histoire d'amour avec celle-ci (à moins qu’il pense avoir réellement vécu cette relation dans sa crise schizophrénique), pendant plusieurs semaines avant de la tuer alors qu’elle tentait de s’échapper.
    • Le même jour, vers 21 h, le docteur Michel Astoul, 26 ans, disparaît. Le dimanche 18 octobre 1987, dans la région d’Annecy, dans une grange isolée, est retrouvé son corps en état de décomposition.
    • Le samedi 24 octobre 1987, Claudine Duchosal, 40 ans, est assassinée chez elle à Menthon-Saint-Bernard.
    • Le 28 janvier 1988, Roberto tue le policier Michel Morandin, 35 ans, à Toulon.
Mais Roberto Succo mène une double vie, et, ainsi, c’est dès le début de sa psychose qu’il rencontrera Sabrina, une jeune femme de 16 ans, avec qui il entame une relation amoureuse de l’été 1986 à novembre 1987. La confidente de celui qu’elle croyait s’appeler Kurt deviendra son bourreau en le dénonçant aux services de police après l’avoir reconnu sur un avis de recherche en 1988. Succo est finalement interpelé par les forces de police près de la maison de sa nouvelle petite amie, le 28 février de la même année. Il avouera ses crimes dans ses moments de lucidité et les niera dans ses crises schizophréniques durant lesquelles il dira s’appeler André Gaillard. Le jeune homme sera transféré dans la prison de San Pio X, à Vicence, le 30 avril 1988, avec surveillance médicale permanente des psychiatres. Puis il entreprend une vaine tentative d’évasion très médiatisée, fidèlement rapportée dans le film de Kahn et clôturant l'oeuvre de Koltès.



Evasion de Roberto Succo


Roberto Succo se suicide dans sa cellule dans la nuit du 23 mai 1988, à 26 ans, asphyxié au butane dans un sac de poubelle recouvrant sa tête.

Ainsi, devant ce panel de détails personnels, criminels et médicaux sur le tueur en série italien, nous sommes plus à même de comprendre la fascination phénoménale qu’ont eu les médias et le milieu artistique pour cette affaire; en outre, Bernard-Marie Koltès (Roberto Zucco) et Cédric Kahn (Roberto Succo, Portrait d’un assassin), corpus d’un fait divers vers une transmédialité fulgurante.